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Les illusions poussiéreuses de la fin de l'été cédaient la place aux beautés dorées de l'automne, plus nettes et plus éphémères. C’est dans ce calque incertain que je dérobais à la courbe du quotidien cette saveur de rejoindre le ban culturel sous l’égide de fadas, capables de donner vie et corps à un concert de rock.

Castres est une ville d’Occitanie, qui depuis 1992 bénéficie d’un IUT avec des infrastructures d'enseignement et de recherche de haut niveau et d’une équipe pédagogique. L’IUT héberge 5 départements de formation : Chimie, Informatique, Métiers du Multimédia et de l'Internet (MMI), Packaging, Emballage, Conditionnement (PEC), et Techniques de Commercialisation. Il y a aussi l'INU Champollion à travers l'école d'ingénieurs ISIS, spécialisée dans le domaine de la santé connectée. Dans un écosystème particulièrement actif, l'école forme depuis 2006 des ingénieurs informaticiens dotés d'une double compétence "numérique et santé".

En plus de tout ceci les étudiants bénéficient de la Maison de Campus. Conçu sur le concept des « Learning centre » = lieu de vie et de travail est ouvert à tous les étudiants de Castres-Mazamet. Situé à proximité du restaurant universitaire, entre l’IUT, l’école d’ingénieurs ISIS et le lycée, ce bâtiment de 1 000 m² propose des espaces de documentation, de rencontre et de convivialité. Il est pensé pour répondre aux évolutions des pratiques pédagogiques (pédagogie par projet, travail collaboratif, recours au numérique) …500 m² sont notamment consacrés à la médiathèque inter-universitaire, à laquelle sont associés des salles de travail en libre accès, des bureaux dédiés à l’animation de la vie étudiante ainsi qu’un espace de détente : le ‘’ Learning café’’. Le fablab INNOFAB y est également implanté, et le Syndicat mixte y a ses bureaux.

Un putain de havre à la cool, esprit 2.0 silicon valley…Bref, comme pour les skate park qui pullulent partout désormais, cette jeunesse ne se rend pas du tout compte de toutes les infrastructures misent à sa disposition, mais quelle chance.

Dans mon village nous skations sur des trottoirs cabossés et morcelés de pièges crevassés sur lesquels nous ricochions en cascade, et sans casque, sans rien, génération mercurochrome. Une pile de magazines + une planche en bois et nous avions un tremplin. Rien n’était stable, les magazines étaient lisses, nous faisions avec. Alors des HALF-CAB, HEELFLIP, BACKSIDE 180°, FAKIE OLLIE, FAKIE POP SHOVE-IT, VARIAL KICKFLIP, NOLLIE POP SHOVE/NOLLIE FRONTSIDE SHOVE-IT, et mes couilles sur le tapis du salon n’avaient pas lieu dans une discussion, déjà fallait avoir un skate.

C’est la première fois que je foutais les pieds à la maison campus. Mon souvenir du Lycée professionnel du Sidobre de Castres c’est que nous avions un cimetière en face, et pour tout loisir, une cour avec 4 bancs, il y avait aussi une mixité sociale que ne connaitrons jamais les universités. Pas la même ambiance.

La soirée était organisée par l’association La lune Derrière Les Granges et l’équipe pédagogique/étudiante de la maison du Campus. 2 groupes de rock, début des concerts 18h30, gratuit. Du caviar ! Tu n’as juste qu’à te déplacer.

Bilan : si je décompte les groupes, l’orga, il y avait une dizaine de personnes, moyenne d’âge 45 ans.

Concert gratuit = lol (sigle signifiant Laughing Out Loud ) moi de ce signe j’y vois davantage le cynisme flatulant d’un trou du cul ironique.

Je reviendrais à l’attaque de cette démission du corps étudiant plus loin…D’abord place au concert.


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Premier groupe c’est le jeune trio Toulousain Brotherwood (la vingtaine comme moyenne d’âge) qui se lance à 19h20 pour un rock entre Placebo, Nirvana, Arctic Monkeys, the Strokes, Radiohead. Le chanteur possède un déhanché subtil, un truc un peu théâtral, peu commun, qui contraste avec leur musique, mais une présence certaine. Son chant est lui aussi capable d’offrir une palette assez vaste permettant de tailler dans plusieurs styles et de faire vivre leur rock, notamment à gorge déployée pour envoyer la sauce grungy. Le trio se démène à la cool, pas de pression, il fait son set, navigue dans cette tranche musicale début des 2000’s avec tous ces groupes en The. Poinçonnant un venin venu des 90’s, et toujours cette gestuelle venu des 80’s. La base rythmique assure les arrière, vient parfois pointer un truc un peu funky slapé à la basse, des breaks furibard à la batterie.

Je ne connaissais pas du tout, Brotherwood fait son petit effet kiss cool, leur jeune âge pour faire du rock fait l’effet d’un anachronisme, ou de cette densité peu palpable avec les intérêts actuels de la jeunesse. Oui c’est étonnant de faire du rock à 20 ans désormais, Brotherwood le fait très bien.


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Puis le second groupe, la tête d’affiche, avec les Clermontois de Young Harts, pour dérouler un set punchy, dévoilant le sel de leur dernier opus « All I Got » nettement plus venimeux que leur précédent, avec la griffe d’un rock indie explorant une ample gamme de luxuriance racée. Le groupe me fait penser à Kings of Leon, avec au départ un rock rugueux (blues sudiste dans le cas des Amerloques) puis au fil des tournées un rock plus élégant, urbain même. Bon maintenant Kings Of Leon s’est paumé dans les méandres d’une pop chichiteuse, ce qui est loin d’être le cas de Young Harts. Mais il y a en commun cette soif de l’échappatoire, d’offrir un spleen teintée de brume et de chaleur bestiale tout à la fois, un évanouissement spectral avec un esprit venu des âges du rock comme le Velvet Underground, The Doors, The Doobie Brothers, Eagles, et nettement plus punk rock pour nos Clermontois. J’avais préféré leur premier « Truth Fades » dont le groupe avait effectué une tournée en passant par Castres, vous pouvez consulter l’ITW filmée sur la chaine youtube du wallabirzine et un passage de leur set.

Mais depuis ce concert j’ai (re)écouté leur dernier et il est vraiment très bon. Bien assimilé et compris leur épanouissement désormais. Le chanteur a une superbe voix, basse et riffing guitare excellent et un batteur en mode bûcheron namasté, des chœurs chamarrés. Cool, vraiment !

Cris le chanteur d’origine Anglaise jouait auparavant dans The Elderberries, groupe montait avec des compatriotes britanniques, un canadien et un batteur Français, dans un mood du rock 70’s, Led Zep, Ac/Dc, j’avais réalisé des chroniques de leurs albums dans le webzine Thefrenchtouch, qui n’existe plus.

Nous avons passé un super moment avec les ami.es, Brotherwood et Young Harts, gratuit en plus, merci pour tout. Pour le reste bon courage à ces battants pour organiser des concerts, éduquer c’est rabâcher, mais quand tu es devant le mur de l’isolement, c’est encore plus dur. Ne lâcher rien, tant pis pour les autres.

Retrouvez les photos de junk de cette soirée Lune Calling #53 sur la page FB du WBZ.


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Tout a été accompli pour réduire la curiosité des gens sur un écran qui tient dans une main. Tout ce qu’il y a autour n’a plus lieu. L’humain 2.0 végète ses substances neuronales dans le camp concentrationnaire mondial du virtuel. Le monde d’avant est mort, celui d’après se vit sous pixel.

Restons en vie dans le réel comme une blessure bouillonnante de fraîcheur glaciale, n’accablons personne, il y a des instants où la réussite est juste dans le cœur de ceux et celles qui sont dans l’action, pleinement satisfaits et qui de fait, se réalisent.

J’ai lu un article dans la presse sur une étude dont la conclusion claironnait que l'homme devenait de plus en plus bête, abruti et con. Pourtant le génie de l'homme a consisté à projeter un neutron sur un atome lourd instable, et quand ce dernier éclate alors en 2 atomes plus légers, cela produit des rayonnements radioactifs et 2 ou 3 neutrons capables à leur tour de provoquer une fission, pour la création d'une énergie. Tout comme il a pu en haut de la chaîne alimentaire asseoir sa domination sur d'autres et être un loup pour l'homme, avec comme opportunité de le faire cravacher à sa place. Ainsi dans un réacteur de polymérisation lier des monomères tels que de l'éthylène et du propylène entre eux pour former des chaînes polymères, et donc du plastique, que l'on retrouve in fine (je raccourcie le délire) pour qu'un gars puisse se retrouver devant sa TV a maté des séries au kilomètres en bouffant un burger fabriqué dans un hangar de Seine-Saint-Denis et non un resto branché parisien, livré par un esclaVtrepreneur indépendant sur une trottinette électrique. Tout ceci se passe en ce moment même, dans cette ère où la musique est compressée comme cette époque de cynisme avec laquelle on cloisonne les peuples dans des tiroirs communautaire all inclusive.

C’était mieux avant ? C’était différent. Cela ne sert à rien de comparer, chaque époque vit son jour et devient nuit pour que la nostalgie passe dans chaque fissure du temps. Mais comme pour chaque génération il est important de tout remettre dans son contexte et le vécu.


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Il y a des possibilités qui se perpétuent, et c’est tout l’art du commerce : « C’est incroyable que seules trois chansons aient réussi à me faire vivre pendant 30 ans ! » dixit Nicolas Peyrac

Je pense que Jul pourra dire la même chose dans 30 ans. (attention le signe c’est jul ce n’est pas lol, ne pas confondre, vous pouvez y voir autre chose).

Revenons à cette soirée. Le monde sonore livrait ses mystères comme si l'on savait d'où venaient les vagues tonitruantes qui frappent les rochers, le sifflement du vent qui lisse les herbes et le clapotis des petites vagues soniques dans la lagune ténébreuse. De cette nuit pourrions nous trouver une lune noire dans la forêt musicale, mais au fait, qui s’en souciait ? Comme toujours ne subsistent que le bord des choses et le bruit de ce qui n’est plus.


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Le brouillard me collait au cœur, la pluie torrentielle de mes pensées polymorphes trempaient dans un arôme de cannelle. C'était un soir automnal et mon corps en suivait l’afflux par une rigidité d'agacement qui viendrait tendre ces douleurs passagères que l'esprit endurcit en beau misanthrope. Je constatais que la vie étudiante n'était pas qu’une vacuité mais un strapontin où se joue un avenir professionnel, bien plus important à accomplir pour assure ses arrières, apporter une dimension safe à l’avenir incertain. Pas de place au danger, tout doit être sous contrôle, secure, pris dans une assurance vie. Reste-t-il une place libre, non pas pour du temps de cerveau disponible, mais à l'échappatoire, à une vérité que le rock en permet la perception, l'émancipation, le danger ?

Les anciens gueulent que le rock est mort, crucifié sur les monts de l'industrie de masse, ventru à vomir par des U2, Coldplay, zombifié dans son cuir élimé comme un vieux débris tel que Rolling Stones et consorts ?? Qui pour le pleurer aujourd'hui ? Bien qu’encore il se fait déplumer jusqu'à purger ce qu’il reste dans cet os à moelle.


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Où sont les flammes promises, le suc, la sève, la magie noire, le venin bestial ? Sont-elles donc toutes éteintes dans l'hérésie d'une retraite, dans cet hospice où viennent vomir le temps d'une publicité glacée les emblèmes, les gloires du passé, dans un artefact nostalgique siliconé depuis, ou en gestation de reconversion vintage, recyclé en commerce équitable ?

"C'est ainsi que nous avançons, barques luttant contre un courant qui nous rejette sans cesse vers le passé." Francis Scott Fitzgerald

Les flammes sont présentes, encore faut-il te déplacer pour faire fondre ce boulet qui te retient à une vie déjà mort-né.

Chacun est libre, de ses choix, du sens de son existence, de disposer de son temps, de l’occuper. Alors : Faut-il encore prendre ou perdre son temps à organiser des concerts ? Prendre sur soi pour éduquer, passer le flambeau, les rites de passages à des générations qui ont déjà choisis de vivre en coupant le cordon ombilical culturel ?

Personne ne reviendra sur nos pas, chaque génération crèvera, certaine avec le devoir accompli et le poing tendu, et d’autres pas.

Certes vous n'avez pas choisi, peut-être que l'on vous à imposer un chemin vers l’équarrissoir, si un charnier à ciel ouvert se prépare, c'est la mort d'une sagesse raffinée, d’un amour pour le rock, d’une révolution possible. La sensation que certaines générations montantes n’ont plus de révolte, de rébellion, qu’elles suivent une autoroute lisse, avec sa dose de publicité racoleuse, de parfum d’ambiance, l'électricité statique, le son clinique et propre d’un sol carrelé sur des pas faisant écho au vide intersidéral.

Nous vivons sur une île tranquille d’ignorance au milieu des mers noires de l’infini. Nous avons laissé de l’arbre des connaissances des trognons à moitié bectés pour un nouvel âge sombre, mais façonné par la société du spectacle. La plupart des festivals sont une foire économique gigantesque où se lie l’esprit de lumière d’un camping estival aux fêtes de Bayonne, à une free party, kermesse, et séminaire commercial, et dans une poche de résistance, la niche de l’underground bat de l’aile, certains iront les brûler comme Icare, mais la plupart resteront dans les catacombes, en marge, mais ils existent. Encore faut-il vous déplacer pour entendre cette résonance, cette beauté, la vibration incantatoire qu’elle émettra à tout jamais, délicate symphonie qui résonnera en vous chaque fois que vous poserez le pied sur ces terres.


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