Le fanzine/webzine W-Fenec fête ses 25 ans d'existence !!Leur nouveau numéro (avec un encart spécial) est sorti 25 ans après la création : soit le 18 Janvier 2023 !
Que de chemin, d'épreuves et de passion pour ces aficionados. Rencontre :
Pourquoi écrivez vous sur la musique ?
Circus : Perso, j’ai toujours aimé transmettre. C’est le milieu dans lequel j’ai grandi (mes parents étaient instits) et j’en ai même fait mon métier. Cette passion pour la musique m’a, quant à elle, été transmise par un pote de collège de deux ans mon aîné, qui m’a fait découvrir mon premier Therapy?, mon premier Burning Heads, mon premier Far, mon premier fanzine Kérosène, etc… Ayant toujours eu soif de nouveautés, j’ai accumulé les disques, les infos (je les retenais mieux que mes cours) et j’ai à mon tour eu envie de partager tout ça.
Ted : Au départ, c’est un pur accident. Je suis musicien et mélomane, rien que ça, ça demande beaucoup de temps ! Tout simplement, j’étais un grand lecteur du W-Fenec dans les premières années, et j’étais juste irrité de ne pas voir la plupart de mes découvertes et claques musicales sur le site, alors j’ai pris les devants pour faire partager. Et de fil en aiguille, on m’a proposé le poste de rédacteur et j’ai pris goût. Donc, en guise de réponse, je dirais le partage d’une passion.
Gui de Champi : quand j’avais douze ans, j’avais un petit carnet dans lequel je griffonnais mes impressions sur les albums des Rolling Stones de mon père. J’espère l’avoir égaré car ça ne doit pas être joli à relire, mais c’était important pour moi d’exprimer à ma façon ce que la musique pouvait me procurer comme émotion. J’écoute de la musique quand je vais bien, quand je ne vais pas bien et quand je vais tout court ici, là ou ailleurs. Retranscrire mes sensations musicales sur “papier” est presque vital.
Si vous deviez décrire W-Fenec à un aveugle ? ( plus rigolo = à un sourd ? )
Oli : Ca ne doit pas être drôle d’être sourd. C’est une question de très mauvais goût, je vais le dire sur Twitter de ce pas. Les aveugles n’ont, pendant longtemps, pas raté grand-chose tant le site était peu “joli”, il ne l’est toujours pas franchement mais le mag est, on l’espère, de qualité. Donc, c’est un comme un mag de rock, sauf qu’il est digital, gratuit et sans pub. Il existe des logiciels qui lisent à ta place sur le net donc peut-être que les aveugles nous connaissent quand même…
Ted : A un aveugle, c’est simple, je lui parle. A un sourd, je lui écris en lui disant que le magazine ne va pas lui servir à grand chose, si ce n’est peut-être de corriger nos fautes d’orthographe.
Pourquoi créer un mag musical ?
Oli : Parce qu’en 1998, ça n’existait pas sur le net ! Et même aujourd’hui, les mags en ligne sont encore et toujours assez rares. Et aussi parce que c’est plus facile de créer son truc si on veut faire ce qu’on veut.
Vous avez commencé en 1998 et nous sommes d’accord que le Nu metal est le truc le plus nul de l’histoire du rock ?
Circus : J’avais 18 ans à l’époque donc je faisais complètement partie du public cible mais comme toi j’ai toujours trouvé ça horrible. Peut être que mon trop grand amour du punk rawk m’a épargné, à l’inverse de certains de mes collègues ici, ahaha !
Oli : En cherchant un peu, il y a plein de mouvements qui sont bien pires, un truc comme le metalcore, c’est souvent très pénible. Des groupes comme Deftones, Shovel ou Stereotypical Working Class démontrent que ça vaut le coup quand même. Le souci, ce sont les groupes qui se sont créés pour profiter de la manne genre Linkin Park et qui ont rendu ça risible. Est-ce qu’on doit qualifier le pop-punk à l’aune de Superbus ?
Ted : La musique, c’est une question de goûts et de couleurs. Il en faut pour tout le monde et il y a toujours du bon dans le mauvais et vice-versa. Je me souviens avoir beaucoup aimé “Siliclone liquid“ de Pleymo quand le disque est sorti à la fin des années 90.
Gui de Champi : j’ai eu ma période Nu metal, mais Nu metal français. C’est grave docteur ? Le truc le plus nul de l’histoire, pour moi, c’est Indochine, mais ça ne regarde que moi.
Quels sont vos styles musicaux emblématiques ? Et quels sont ceux qui bénéficient le moins de votre expertise ?
Oli : Expertise ? On n’écrit qu’avec des émotions, on évite les trucs trop techniques… J’aime penser qu’on traite de tous les styles et qu’on n’a pas de style de prédilection qui serait justement “emblématique”, après chacun a ses goûts et ses préférences, c’est ce qui fait notre richesse. Personnellement, je suis très sensible au post-rock, à l’indus et au post-hardcore, est-ce que pour autant on est un mag “indus” ou “post rock”, je ne crois pas… Je pense qu’on manque de “pop” et peut-être de métal un peu plus extrême genre Black ou Death pour couvrir davantage le champ du Rock.
Ted : Je ne résonne malheureusement pas en termes de styles musicaux. Ce concept m’effraie. En plus de ça, même si je pense maîtriser un mouvement ou un courant artistique, très souvent je me retrouve à découvrir de nouvelles choses qui mettent un certain doute sur mon “expertise”.
Gui de Champi : j’ai une affection toute particulière pour le rock ‘n’ roll au sens large. Celui qui transpire, celui qui s’écoute fort. Le punk rock a également changé ma vie. Par contre, le jazz et le rap sont en dehors de mes champs de compétence. Qu'est ce que l'underground ?
Oli : Ce qui n’est pas mainstream, non ? Par définition, c’est ce qui n’est pas exposé au grand jour, peut-être par crainte de se cramer au soleil, mieux vaut parfois vivre tranquillement au frais et faire sa vie quand la majorité regarde ailleurs.
Ted : J’ai l’impression que le concept de l’“undergound“ a vachement changé avec le temps. On ne sait pas vraiment qui fait partie de ça ou pas. Peut-être que désormais, c’est quand les fans payent en avance les artistes via des plateformes comme Ulule ou KKBB pour qu’ils se payent des instruments, un clip ou un ingé-son ?
Y a t-il un album, groupe, style que vous n’avez pas su comprendre à sa sortie et que vous avez assassiné ?
Oli : Une des règles non écrites du W-Fenec, c’est de ne pas perdre de temps à écouter et ensuite écrire sur un truc qui ne nous plaît pas. On n’est pas du genre à se torturer à écouter un album qui nous ennuie, on n’a donc pas assassiné grand monde… La chronique de Slipknot est gratinée mais c’était parue à l’époque sous forme de “débat” avec des “pour“ et des “contre“. Je ne suis toujours pas un grand fan des knot mais il faut bien avouer qu’ils ont sorti quelques bons morceaux depuis et ont davantage résisté au temps que ce que je prévoyais….
Ted : Aucun, c’est même le contraire en réalité. Y’a tellement de disques que j’ai trouvé pas mauvais à l’époque et qui avec le temps vieillissent pas bien du tout.
Gui de Champi : j’ai beau réfléchir, je ne vois pas…par contre, le contraire (album encensé alors qu’en réécoutant, c’est quand même pas la folie), il y en a quelques uns. J’en parle dans l’encart 25 ans du mag#54 (placement de produit, teasing : j’ai pas fait d’école de commerce mais je suis pas trop mal, là !)
Faut-il parler uniquement de ce qui plaît ? de ne jamais critiquer ? Avez vous peur d’être mal compris dans vos chroniques ? D’attirer les haters, wokistes sur votre forum, page FB ?
Oli : On critique, certains groupes nous déçoivent parfois, on l’écrit, on critique, on le fait pour des albums qui sont une “suite”, pour des groupes déjà évoqués et donc appréciés. On peut être mal compris, on peut aussi accepter que la perception soit différente d’une personne à une autre, tout cela reste subjectif. Si c’est fait avec sincérité, il n’y a jamais de problème, l’avenir d’un groupe ne dépend pas de nous. Environ 75 % des disques reçus ne sont pas chroniqués, quand on nous le demande, on explique pourquoi mais ça reste “privé”, entre nous le groupe, le label, le chargé de promo…Pour ce qui est des haters, on sait qu’il ne faut pas grand chose pour enflammer une communauté, notamment sur les réseaux sociaux. Mais on s’en fout un peu, on est trop vieux pour y accorder de l’importance.
Ted : Oli a très bien résumé. J’ajouterai qu’on a très peu de temps pour écouter, décrypter et écrire vu qu’on a de multiples activités professionnelles et personnelles à côté. A moins d’avoir du temps à tuer, on est quasiment obligé d’écrire sur des choses qui nous touchent puisque c’est une passion qui nous anime. J’ai fait l’expérience d’émettre une fois une critique négative sur un album, c’est comme si j’avais tué ou violé quelqu’un. Après tout, ce n’est que de la musique et les avis sont subjectifs.
Gui de Champi : on fait ce zine par passion, et on parle de ce qui nous passionne. Je ne chronique pas de disque qui ne me plait pas. Cette règle vaut également pour mes collègues. Par contre, sur une review de festival, il peut m’arriver d'émettre un avis contrasté sur une prestation scénique.
Vous avez adopté plusieurs médias en D.I.Y en fonction de vos volontaires (radio, photo, digital, papier) est-ce la clef de votre longévité pour survivre ? Quel est la base selon vous pour fidéliser le lectorat ?
Oli : La clef de la longévité, c’est juste le plaisir qu’on prend à partager nos émotions. Quand ça nous ennuiera, on s’arrêtera. Si on est passé au format “mag digital”, c’est un peu pour retrouver le plaisir d’offrir un contenu différent à une époque où n’importe qui peut écrire n’importe quoi sur le web. Y’a une sacrée excitation dans le terrier au moment de sortir un mag’ alors qu’en publiant des articles au jour le jour, on était en mode routine et le plaisir disparaissait… Pour fidéliser le lectorat, je pense qu’il faut proposer un travail de qualité. Tant que les articles seront bien écrits, les photos bien cadrées et les interviews assez pertinentes, le lecteur reviendra.
Ted : La clé de notre longévité, c’est d’avoir toujours su garder une petite équipe motivée et passionnée dont chacun des membres se respecte et s’entraide. Nous sommes une meute de fennecs aux longues oreilles, ne l’oublions jamais.
Gui de Champi : La clé de notre longévité, c’est qu’on a de comptes à rendre à personne. Même entre nous. “Tu peux pas bosser sur le prochain mag car tu as une vie professionnelle trop intense ou une vie de famille qui te bouffe ton temps en ce moment ? Ok, prends soin de toi, c’est ça, le principal.” Ce zine, c’est énormément de temps et d’énergie mais il faut que ça reste un plaisir. Une autre clé, c’est la bonne entente entre nous, humainement parlant. J’écoute à peine 5% de ce que Ted écoute, tandis que Guillaume Circus et moi sommes sur la même longueur d’onde à 90%. N’empêche que ce sont des collègues qui sont devenus des amis. Je pense que cette bonne entente doit se ressentir quand on lit le mag. Peut-être que les lecteurs aiment les histoires d’amour.
Combien de chroniqueur.ses ont évolué chez vous ? Est ce que certain.nes en ont fait leur métier ? Y a t-il de nouvelles recrues chaque année ? Comment se passe le turn over ?
Oli : Désolé, on n’a pas de chiffres, pas de comptabilité de ceux qui sont passés par le W-Fenec, à la louche, je dirais une vingtaine… On a toujours travaillé en équipe réduite en évitant trop de turn over. Quand ça tourne bien, les membres n’ont pas envie de partir et on n’a donc pas besoin de recruter… Parmi ceux qui sont passés par chez nous, deux sont désormais de vrais journalistes : Pierre qui bosse comme rédac-chef adjoint à RMC et Cléa qui travaille pour The Conversation et a collaboré pour différents médias comme Le Monde Diplomatique.
Ted : Le recrutement, c’est par phase, ça ne se calcule pas vraiment par année. Il faut être passionné, avoir de la bonne volonté, avoir compris ce qu’est le W-Fenec, et savoir retranscrire un minimum des émotions pour donner envie aux lecteurs d’aller plus loin, de découvrir et de supporter les artistes qui en ont bien besoin. Si on reçoit des remerciements ou des félicitations régulièrement, c’est que le boulot doit être bien fait.
Gui de Champi : tout est souvent une question d’opportunités. Guillaume Circus a dépanné le zine avec deux trois papiers sur quelques années avant d’être naturellement intégré dans l’équipe. Pareil pour JC, c’est en échangeant sur le net qu’il a participé à une rubrique qu’on avait mis en place pendant le confinement avant d’être embauché à plein temps. Et quand des potes comme Olivier Portnoi (Rage, Rock Sound, Punk Rawk,...) participent avec talent le temps d’une chronique ou d’une interview à notre mag’, ça nous rebooste et nous rend très fiers d’être si bien entourés !
Est-ce que le lectorat a changé depuis vos débuts ? Qu'est ce qui a changé dans les chroniques, les articles, interviews pour vous adapter à ces changements ?
Oli : On ne connaît pas nos lecteurs, on n’a pas de statistiques sur eux… Juste des chiffres qui disent que le lecteur lit plutôt entre 20 et 22h et qu’il navigue de plus en plus depuis un téléphone, d’après les réseaux sociaux, c’est plutôt un mec entre 25 et 50 ans… Certains sont encore là, d’autres ont lâché le rock, d’autres sont arrivés. Si des choses ont changé, c’est inconsciemment. J’espère qu’avec l’expérience, on écrit mieux mais c’est même pas sûr !
Ted : Parmi les lecteurs les plus assidus, certains sont même devenus rédacteurs ! Le lectorat peut changer, ouais. Je crois que le plus gros changement, c’est surtout au niveau de la forme, du site au magazine en ligne.
Gui de Champi : j’espère secrètement que certains lecteurs aux débuts des années 2000 sont toujours là ! En tout cas, moi, j’étais lecteur du site avant d’intégrer la team (qui était à l’époque un duo). Avec les années, on a peut être des papiers plus intéressants qu’à l’époque. Mais comme j’écris souvent avec mon coeur, j’espère que mes articles ne sont pas trop écorchés.
Le magazine New Noise a subi un électrochoc avec une baisse significative de son lectorat pendant l'été 2022, comment voyez vous l'avenir dans la presse ?
Oli : La presse imprimée n’a pas beaucoup d’avenir. Même si “nous” avons encore beaucoup de plaisir à tenir un mag ou un fanzine entre les mains, les nouvelles générations sont vissées sur le numérique, les disques sont stockées comme des données “utilisables” partout et tout le temps. La temporalité a changé, on peut écouter 12 secondes et zapper, un truc inimaginable avec un vinyle ! La consommation d’informations relatives à la musique prend aussi cette direction. Tu ajoutes la hausse du coût du papier et la baisse du pouvoir d’achat et le mélange est détonnant. La presse mainstream va devenir numérique elle aussi, reste à savoir d’ici combien de temps… Pour autant, je pense que pour des “niches” comme la nôtre, il y aura toujours de la place pour des fanzines ou de mags de grande qualité comme New Noise, parce que ce public aime les “objets” et exposer ses goûts au grand jour, on porte des T-Shirts de groupe, on met sa platine vinyle en évidence dans le salon et on feuillette son mag en public !
Quelles sont les anecdotes les plus belles, désopilantes rencontrées ?
Oli : Quelques anecdotes sont dispos dans l’encart “spécial 25 ans” du Mag #54 !
Gui de Champi : j’ai une anecdote que je ne raconte qu’en petit comité. J’ai failli l’intégrer dans l’encart 25 ans, mais c’est tellement “spécial” que je ne la raconte que dans des occasions spéciales (mariage, pendant un trajet en camion avec un groupe sous tension,...). Thomas des Burning raconte cette histoire mieux que moi. Forest Pooky également.
Merci pour vos réponses
Oli : Merci de ton soutien !
Gui de Champi : Merci ! Je suis curieux de voir le GIF qui accompagnera mes modestes réponses. Longue vie au Wallabirzine.
Merci, je te mets les Sang et or = Union sportive arlequins perpignanais 