Klone est un groupe de metal progressif français, originaire de Poitiers, d'une densité musicale très addictive, le groupe a su manier l'apesanteur avec le tellurique, l'obscurité dans les cieux, dévoilant à chaque album un style unique. Leur neuvième album est sorti le 10 février 2023, vous pouvez en lire la chronique "Meanwhile". Voici une interview réalisée avec le compositeur et guitariste Guillaume Bernard par mail durant la dernière tournée du groupe (dont le WallaBirZine a pu assister au concert à Toulouse, et vous pouvez lire le report intitulé ''WALKING ON CLOUDS WITH KLONE).


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Si vous deviez faire un récapitulatif de votre parcours, qu'elles ont été les événements essentiels à l'évolution, à l'épanouissement du groupe ?

Guillaume Bernard : Peut être déjà la sortie officielle du 1er album "Duplicate" qui a permis d'identifier le groupe dans le milieu, puis notre signature sur le label Season Of Mist avec l'album "All Seeing Eye", notre 1er passage au hellfest en 2007 grâce à un vote des lecteurs de VS Webzine, notre 1ere tournée en Europe avec King's X en 2011, notre signature chez Kscope pour "Le Grand Voyage", notre tournée avec Gojira en Europe en 2012… tous ces éléments font que le groupe a bien grossi depuis notre commencement ! Je pense que le must qui a apporté de l'évolution c'est toutes les tournées que nous avons faites. A celle déjà citées je peux rajouter celle avec Devin Townsend, Orphaned Land, Leprous, Pain of Salvation aux états unis.

Est ce que le line-up de KLONE s'est stabilisé ?

Guillaume Bernard : On va dire que le noyaux dur est plutôt stable oui, Yann, Aldrick, Matthieu et même notre collaboration avec Morgan est stable depuis 2013 ! Apres les postes qui ont tendance à changer dans le groupe c'est le batteur et le bassiste...Nous avons fait avec tout ça car des fois en fonction de la disponibilité de chacun, nous n'avons pas trop le choix !

Qu’est ce que vous aimeriez dévoiler dans votre musique que jusqu’à présent vous n’avez pas étaient capables de réaliser, de pouvoir accomplir ?

Guillaume Bernard : Cela fait un petit bout de temps que j'aimerais qu'on puisse travailler avec un orchestre symphonique, voir aussi des cuivres, de la harpe… Je pense que dès qu'on en aura l'occasion de le faire , nous le ferons avec grand plaisir !

Est ce Que l’émancipation dans la création passe t-elle par un grand voyage intérieur ? ( de sa racine intime jusqu'à son extension cinématographique ?

Guillaume Bernard : Je ne me pose pas vraiment ce genre de question, pour moi la création vient certainement en grande partie de choses inconscientes qu'on ne maîtrise pas. Les différentes étapes d'une vie et notre vécu, toutes les émotions qui nous accompagnent dans n'importe quel moment peuvent être retranscrite inconsciemment en musique.


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Est il préférable de voir les ombres avant les lumières de votre musique ?

Guillaume Bernard : J'ai l'impression que dans notre discographie nous avons d'abord explorer la part d'ombre avant d'aborder et mis en musique le coté lumineux.

Vous aimez que l'auditeur se forge sa propre lecture à l’écoute de vos albums, vos deux albums précédents opus avaient mis en valeur le relief dans votre musique avec la subtilité d’un dosage tout en résonance, capable de faire sonner une note et d’apporter du mystère. N'êtes vous jamais inquiets qu'à chaque fois se profile le risque d'un abandon, d'une trahison, d'une incompréhension dans le lien entre le groupe et son public ? (comme un amour qui pourrait se construire sur des attentes qui sont des exigences.)

Guillaume Bernard : Je suis toujours curieux de savoir comment notre musique va être reçu par le public car même si à la base, la démarche est totalement égoïste dans le sens où on cherche en 1er lieu à se faire plaisir soi même, on a quand même envie de la partager un maximum et aussi de toucher le plus de gens possible avec. On a la chance que ça se passe plutôt bien et à chaque fois que nous avons pris quelques risques, j'ai l'impression que nous avons été récompensé pour cela.

Est ce que vous avez une stratégie afin de synthétiser votre propre maturité existentielle sur vos désirs créatifs musicaux, tout en restant à l'écoute des attendes de vos fans ? Où votre musique est instinctive et vous vous fiez à elle, même si cela peut engendrer une relation qui accepte de se nourrir de leurres, qui se perd entre besoins et désirs blessés de la part d'une partie de votre public ?

Guillaume Bernard : Il n'y a aucune stratégie non , car tout est instinctif , parfois complétement primaire !

« La musique devrait être comme faire l'amour. Parfois, vous le voulez doux et tendre, une autre fois vous le voulez dur et agressif. » d'après Jeff Buckley, qu'en pensez-vous ?

Guillaume Bernard : Il a certainement raison, c'est en effet un mélange de tout ça, en fonction de l'état d'esprit dans lequel on se trouve sur le moment de la composition, les attentes du moment sont différentes.

Vous avez effectué votre première tournée en Amérique du Nord. Avez vous des anecdotes sur votre tournée au côté de Pain Of Salvation ?

Guillaume Bernard : En effet, c'était une 1ere pour nous et on a vraiment passé du bon temps !

On a commencé par jouer sur un énorme bateau de croisière avec plus de 4000 personnes dessus pour le Cruise To the Edge Fest, nous sommes restés 5 jours dessus. Je me suis retrouvé dans un ascenseur nez à nez avec Adrian Belew (King Crimson) , la claviériste aussi de Porcupine Tree…il y avait du beau monde sur ce bateau ! Après la tournée US s'est vraiment super bien déroulée, on a partagé le bus avec Pain Of Salvation, il y avait une bonne ambiance conviviale, c'était un moment très agréable à vivre !

Vous avez épuré votre musique au fil des albums et même au niveau du chant, c'était une évolution naturelle ?

Guillaume Bernard : Certainement oui vu qu'on ne se pose pas trop de question , tout se fait naturellement.


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Est ce que l'expérience acquise avec vos concerts "Unplugged" a eu un impact notable dans l'écriture de votre musique ?

Guillaume Bernard : Pas vraiment car j'ai personnellement toujours composé les morceaux sur ma gratte acoustique !Mais en enregistrant l'album Unplugged, on s'est aussi rendu compte que les compos même épurées se tenaient bien comme ça , sans trop d'arrangement.

Metal progressif, rock atmosphérique, est ce que Klone pourrait envisager de complexifier sa musique vers une dissonance sophistiquée sans que cela soit inaccessible ?

Guillaume Bernard : Oui tout est possible, on ne se met aucune barrière et nous faisons toujours en fonction de l'envie du moment . Il y a déjà eu des phases un peu plus complexes et dissonantes dans notre discographie. Sur l'album "All Seeing Eye", avec du recul, on avait pris pas mal de risque et le spectre musical est vraiment très large !

Pendant l’enregistrement avec Francis Caste à Sainte-Marthe pour « Le grand voyage » êtes-vous allés au bout de ce qu'on vouliez comme esthétique sonore,  en filtrant des petits détails pour chaque écoute avec une longue durée de vie ?

Guillaume Bernard : Tout à fait, on a été au bout de ce que nous voulions faire et nous sommes d'ailleurs toujours satisfait de ce qui a été fait sur cet album ! On espère qu'il aura encore une longue durée de vie


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Êtes-vous conquis de votre relation pour développer le groupe avec le label Kscope ?

Guillaume Bernard : Notre relation avec Kscope aura été une bonne experience assez bénéfique pour nous. Avec l'album "Meanwhile" nous arrivons à la fin de notre contrat chez eux et nous allons très certainement travailler prochainement avec un autre label, peut être plus gros, le but est de développer un maximum la diffusion du groupe afin que de nouveaux auditeurs puissent nous écouter.

Votre dernier Hellfest était à 11h40 le vendredi sur MainStage 2 en 2019, est ce que l'on pourra vous voir cette année 2023 ?

Guillaume Bernard : Malheureusement non, on aurait bien aimé, mais il fallait laisser la place à du nouveaux groupes qui n'avaient pas encore joué. On espère pouvoir y participer l'année prochaine !

La création studio et le live vous semble t’il être deux territoires dissemblables ?

Guillaume Bernard : Ce n'est pas la même approche de travail, mais au final oui les deux finissent toujours par ce retrouver à un moment, donc il faut bien prendre en considération tous les éléments possibles pour que par exemple le travail en studio soit facilement adaptable pour le live, afin de rester fidèle le plus possible aux compositions.

Êtes-vous poreux à la musique que vous écoutez au moment de créer de nouveaux morceaux ?

Guillaume Bernard : Très certainement oui, mais sans vraiment le faire exprès. Mais il y a de la musique partout dans notre environnement, n'importe quel bruit qui nous entoure peut être musical ! Après je pense que les influences principales dans la zic resteront toujours celles qu'on a eu pendant notre enfance et notre adolescence. La nostalgie finit toujours par prendre le dessus.

Quelle est votre chanson préférée, album préféré des Beatles ? Et pourquoi ?

Guillaume Bernard : Houlala , c'est très compliqué de répondre à cette question tellement il y a de belles choses dans toute leur discographie. Je me suis d'ailleurs refait qq écoutes il n'y a pas si longtemps et le choix est tellement vaste… A ce moment précis, j'aurais envie de te dire "Strawberry Fields"… on a d'ailleurs déjà essayé de reprendre ce titre. J'aime aussi beaucoup "I want You"...Ces deux morceaux ont une ambiance Spéciale, un peu triste, nostalgique voir presque glauque, ça me plait bien ! Concernant l'album je dirais "Sgt Peppers", pour la prise de risque, les arrangements, la finesse des compositions.


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Est ce que la pochette de votre nouvel album « Meanwhile » met en contraste votre choix de davantage d’obscurité avec celle de l'opus « Here Comes The Sun » de 2015 ?

Guillaume Bernard : En effet car il me semble que certains titres de "Meanwhile" sont assez proches de certains titres de l'album Black Days. Il y a une atmosphère un peu plus asphyxiante.

Vous avez effectué les prises au Dark Sun Studio en janvier 2022 à Valence-en-Poitou, aviez-vous la « couleur » du disque déjà en ligne d’horizon ?

Guillaume Bernard : Dans les grosses lignes oui, après je t'avoue qu'il y a toujours une part de mystère par rapport au son final qu'on va obtenir et ce qu'on s'imagine dans nos têtes. Mais les compositions étaient déjà ficelées à 95%

Est ce que vous composez toujours de la même manière avec Guillaume Bernard qui compose la plupart des morceaux, Yann Ligner les paroles, avec un travail en binôme sur les structures et les détails ?

Guillaume Bernard : Tout à fait, on a trouvé un bon équilibre de cette façon et Aldrick aussi a contribué à la composition du titre Apnéa.

Quel a été votre travail en amont, pendant les compositions, pour la recherche du son ? Que vouliez vous ajourer ? Et approfondir ? (un côté immersif, planant, apaisant, lourd, incandescent, autres...? ) Vos chansons sont conçues comme des tableaux introspectifs, qu'est ce que vous espériez que l'auditrice.eur y voit, le côté minimaliste, épuré, l'ode mystique ?

Guillaume Bernard : Je me focalise tout d'abord sur les idées, les notes restent les même et peu importe l’esthétique sonore dans un premier temps. Je t'avoue que dans un premier lieu, je n'espère rien d'autre que ma propre satisfaction. La composition est quelque chose de totalement égoïste, qui consiste uniquement à concrétiser ce que j’entends dans ma tête. Je ne me pose aucune question sur comment le message sera reçu par l'auditeur. Je n’espère donc rien de spécial à part qu'une fois mon processus terminé, il y ait un récepteur réceptif aux vibrations crées ! Je ne compose pas en me disant par exemple «  tiens , aujourd'hui je vais faire une zic planante...», les idées viennent ou ne viennent pas, je ne force pas le processus à aller dans telle ou telle direction.

Avec "Here Comes The Sun" vous avez atteint de haut sommet d'introspection, émotion, densité, pesanteur, "Le Grand Voyage" a suivi avec avec un côté épique et plus sombre, comment voyez vous « Meanwhile » ? et faut-il comparer avec les 2 précédents ? Est ce que ces trois albums forment ils une entité ?

Guillaume Bernard : J'ai l'impression qu'il y a un coté beaucoup plus terre à terre sur l'album "Meanwhile" si on doit le comparer aux deux autres albums. Il est beaucoup plus rentre dedans et aussi très dense. Il y a beaucoup moins d'arpège sur ce disque, et la majorité de l'album est à la base de Riff plus Metal. Le travail atmosphérique n'est pas le même que sur les précédents disques. Il y a aussi beaucoup moins d'air, certains titres peuvent sembler plus asphyxiant. Je ne sais pas si les 3 disques forment une entité, peut être qu'on arrive à la fin d'un cycle, mais ça nous le serons quand le prochain album sera composé et mis en boite !


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Qu'elle est la pire folie destructrice qu’engendre l’homme selon vous ?

Guillaume Bernard : J'ai la phobie du nucléaire et j'ai la centrale de Civaux pas si loin de chez moi, cela fait partie d'une des pires folies… après il y en a tellement...

Vous arrivez tout le temps à créer du relief dans vos compositions alors que de nombreux groupes ont besoin de se rattacher à des atmosphères. Est ce que les montées en intensité font parties de votre processus créatif, votre marque de fabrique  ?

Guillaume Bernard : Oui on va dire que c'est notre façon de rendre la musique progressive, le relief est quelque chose d'important pour mettre en avant certaines parties plus que d'autres...Il faut savoir trouver le bon équilibre qui va faire en sorte de pouvoir écouter plusieurs fois le morceau sans se lasser.

Mettre du relief dans votre set-list en concert a t'il été le dénominateur commun du nouvel album ?

Guillaume Bernard : En partie oui car on ne voulait surtout pas refaire un Le Grand Voyage Bis. En période de composition j'avais pas mal d'idées de coté et j'ai gardé un max de riff plus rentre dedans...Tout ce qui est arpège a été mis de coté pour les travailler plus tard ! Peut être qu'il y aura un retour aux arpèges sur le prochain album !

D’ailleurs en live le traitement, le grain de chaque instrument est primordial ?

Guillaume Bernard : On apporte un gros travail oui sur la recherche sonore, et il est aussi super important pour nous de travailler avec un ingé son à l'écoute de nos attentes en terme de sonorisation. On bataille souvent pour abuser tout ce qui est réverbération.

Avez vous de prochaines dates de concerts lors de la sortie de l'album en 2023 ? J'espère que vous viendrez près de Toulouse, le top serait Castres ; )

Guillaume Bernard : Nous avons fait pas mal de dates en France dont le Trabendo à Paris, ça s'est super bien passé, puis la tournée en Europe avec Devin Towsend était vraiment fantastique…On a passé du bon temps sur la route et on garde aussi un excellent souvenir de cette date au Bikini à Toulouse. On avait un super son et nous étions plutôt en forme ! Nous avons d'ailleurs prévu d'y revenir en 2024 avec Psykup et les Tambours du Bronx. (NLDR : Les Tambours du Bronx + Klone + Nanowar of Steel + Psykup @ Le Bikini - Toulouse (31) - 29 mars 2024)


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