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Nous étions là pour passer un agréable moment tou.tes ensembles et la soirée a été excellente.

C’était le 15 septembre 2022, nous attendions une averse pour freiner la chaleur, il fallait encore se serrer la ceinture et éteindre la lumière en sortant, Godard venait vingt-quatre fois de mourir par seconde, des Aveyronnais avaient traversé la frontière Tarnaise avec brio, et un trio Corse commençait leur voyage interstellaire. Nous étions heureux de retrouver l’Xtremfamily, Le premier Punkémon Tour organisé par Lolocomix, la chaleur du troquet susnommé sans façon « Le B.A.R » œuvrait à une hospitalité simple et chaleureuse. Les deux groupes ont délivré chacun leur champ lexical, sonique et euphorique avec passion, et c’était génial, simple, efficace. Ok cool !

Mais pour réunir cette félicité, il faut auparavant passer par moultes dérivations ascensionnelles. Le patron du bar « Le B.A.R» nous a expliqué par la suite la difficulté qu’il rencontre à Albi pour ce genre de soirée, même en respectant toute la procédure, les obligations, en mettant en place toute une organisation afin de préserver le voisinage, d’ailleurs Jimmy de pollux asso est venu au micro pour énoncer quelques directives afin de corriger ce qui devait l’être immédiatement, cela demeure ‘’compliqué’’, le terme est même un euphémisme. Ce propriétaire du bar s’est même fait péter la tronche un soir par trois abrutis. Bref, c’est compliqué.



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Le bar, le troquet était un lieu social dans ma jeunesse, il est aujourd’hui le dernier des mohicans à célébrer le fruit défendu du spectacle vivant en marge de tout. Sinon, reste le squat privatisé par un noyau dur, les salles subventionnées collectivisées par des professionnels de la profession.

Nous vivons chaque époque de façon très différente. Ce qui nous lie nous émulsionne un jour et s’estompera parfois au gré de nos bouleversements, pour revenir plus tard telle une claque nostalgique. L’impermanence provoque en nous l’incompréhension de nous enlever le fruit d’une saveur réconfortante, mais l’inévitable furie du temps déroule sa saveur nouvelle de façon perpétuelle.

Il y a toujours ce roulis dans l’écume de notre existence, soit vous êtes capable de surfer dessus, ou de passer dessous, sinon d’affronter la vague et de revenir sur le rivage vous coucher sur le sable avec la sensation de vivre avec intensité. Ainsi, et souvent, il n’est pas rare de vivre une époque qui nous semble moins palpitante, alors que nous ne la reconnaitrons que plus tard dans toute sa superbe. Comme si la saveur du présent ne pouvait se grignoter au moment, mais qu’il fallait d’abord souffler sur nos plaies, notre aptitude à saisir l’ensemble pour ne pas se brûler avec. Alors qu’après avoir fait acte de reconnaissance nous soufflons sur les braises pour ne pas que le feu disparaisse. Avouez que c’est sot, dommageable et problématique.

C’est tout l’ésotérisme de la vie, en ne vivant pas l’acte en soi c’est un vœu de lumière que nous espérons et que nous appelons, et qui deviendra réalité une fois digéré. Alors que depuis le début il était présent.

Présent, très certainement l’acte fondateur de tout, être présent, c’est être soi, cela ne signifie pas qu’il faut être euphorique, mais qu’il faut être conscient de toutes les sensations qui se manifestent dans le moment. Je pense que le fait d’être présent nous connecte entre nous et participe à l’émancipation que l’on retrouve dans l’acte militant d’un concert de punk rock, et même quand le groupe se propose de jouer le froc aux chevilles hein.


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Dans la voiture nous discutions avec Junk de l’impact du punk aujourd’hui, est-il moins politisé ? Dilué dans la pop culture ? Est-ce que la solidarité qui agitait ses membres est moins importante ? Est-ce que le public est devenu un consommateur, attiré uniquement par un instantanée ? Guidé par une image de com sur les réseaux sociaux (qui n’ont que le nom de social au final = encore une arnaque de la novlangue) ? Pourtant, le groupe Enlòc chante en Occitan, No Futal vient de Corse pour une tournée continentale, Pollux asso organise pleins de concerts, de manifestations dans le bassin Albigeois et Carmausin, les réseaux sociaux servent de catalyseur, et jamais les groupes n’ont eu autant besoin d’être soutenu. Nous retrouvons comme d’habitude les mêmes personnes pour œuvrer, cela a toujours été un peu comme cela, une communauté, mais autant en festival il y du monde, autant le reste de l’année, ça ne se bouscule pas. Mais qu’importe, nous étions présents et avons pu vivre et soutenir une scène qui nous est chère. La mode, l’impermanence déroulent sur le bitume sa folle inconscience, alors que nous soutenons un édifice qui année après année dégourdit le cœur, le corps et l’esprit de son indépendance.


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Je reconnais que les augmentations du coût de la vie et des énergies ont amoindri significativement et ont orienté vers des choix essentiels. Je ne vais plus en concert à Toulouse, le prix de l’essence est dissuasif. Les groupes continuent de tracer la route pourtant…


Enlòc est un trio Aveyronnais qui a appliqué à la lettre le titre de leur premier album de 2016 « temps libre » pendant un bon moment, et puis il a travaillé dans son bled à l’élaboration prochaine de son nouvel album en élaborant des morceaux avec davantage d’épaisseur, je le sais car nous avons pu avoir un panel lors de cette soirée.

Le constat est aussi flagrant quant à la cohésion du groupe en live, Enlòc a franchi un palier, c’est avéré. Leur concert a apporté de la densité, une envergure à leur punk rock multifacette, car il y a du rock, des bouts de stoner dedans, en fait tout un échantillon de style que les membres écoutent pour s’affranchir. Puis ce chant en occitan c’est un acte fort, et très clairement cela fait partie de l’essence du punk pour défendre les franges. Aujourd’hui est-ce que vous êtes d’accord pour dire qu’une partie du punk rock devient de plus en plus aseptisé par la pop ? Que par effet d’absorption le punk rock s’est détaché de son image de rebelle et qu’une partie de sa musique a été fusionné dans la pop ? Du coup est-ce que le fait de chanter en occitan différencie fortement le groupe Enlòc de la mondialisation des effets de la pop ? Oui. Peut-être que dans le grand raout cela n’a pas d’importance, mais arrêtons de tout noyer dans la masse et revenons à notre essence pour vivre chaque instant présent. Dernièrement des voix s’élèvent contre la coupe du monde foot au Qatar et proclame le boycott. Est-ce que ces 2 voire 5% changeront quelque chose ? probablement pas, mais, le plus important, c’est que 2 à 5 % ce soit élevé pour défendre un point de vue, résister à la masse du courant dominant, engager les actes avec des valeurs qu’ils défendent. C’est cela aussi le punk rock. C’était et ça le sera.

Enlòc est engagé à défendre une langue, comme les groupes américains de hardcore défendaient leur territoire, leur région, leur histoire, semblablement en Occitanie où l’Ovalie en fonde la rudesse et l’explosion dans un jeu viril pour batailler à la défense d’un village, d’une commune, d’une histoire, d’un terroir.

Cela faisait un petit moment que je n’avais pas vu Enlòc à l’œuvre, et c’était vraiment bien. Le groupe fait toujours son titre qu’il mentionne comme étant ‘’progressif’’ à la toute fin, c’est cool, ça part dans plusieurs directions, c’est touffu, même si Enlòc effectue des titres fondamentaux de punk rock, il sait fusionner simplicité et apporter de l’épaisseur à sa musique. Peut-être parce que ce groupe façonne sa musique avec l’empreinte de son regard sur le monde, tout en retraçant l’ensemble sur son histoire, et ses valeurs. Beaucoup essayent de le faire, mais peu y parviennent. Bravo !


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NOFUTAL vient de l’ile de beauté, d’ailleurs il avait effectué la traversée la nuit d’avant pour partir de la rade de Toulon au petit matin et se retrouver à Albi au soir. Normalement quatuor, le groupe entame sa tournée sans jouer en caleçon mais en trio. Il y a du pétillant dans leurs yeux, tu dois connaitre cela si un jour tu as dépassé ta zone de confort, et pu saisir cette effervescence de prendre en main ta destinée pour te livrer en concert la blague du livreur de pizza sur la vertu de la sauce piquante.

Polyphoniquement le groupe dispose des atouts vocaux du punk ricain avec No Fun At All comme caisse de résonnance. Les deux voix s’accordent à merveille, il y a de la justesse et une chouette capacité à la traduire en émotion et énergie. Le batteur a été prévenu par la direction du bar dès le premier titre, va falloir jouer moins fort, mais avec autant d’excitation comment réfréner cela ? Impossible et nous le comprenons à 200%. Sous une apparence bonhomme le batteur envoie du bois d’Arbousier, de Chêne-liège et de Châtaignier Corse. Devant la formation basse/guitare échange les instruments tous les 3 titres avec autant de réparties pour des punchlines hilarantes. Rien n’est calculé, tout est inné.

Le groupe développe à la cool son punk rock, dans le genre je suis Sheriff Fiasco avec ma Poésie Zero = je ne me prends pas au sérieux. Mais derrière il y a du travail.

Pour cette première tournée sur le continent No Futal c’est « Hey nous sommes des punkers, nous venons en amis » comme des extra-terrestres se présenteraient à des fermiers d’Arizona en 1963, et les gars en live te propagent leur musique avec un sens du fun vraiment efficace, du genre série TV ricaine, où il y a une forme adulescente et un fond bienveillante, et tu as simplement envie d’être leur ami(e). Allez les voir sur leur tournée, ils sont vraiment cool, et en live vous passerez un excellent moment, ils envoient un solide punk rock, leurs voix sont harmonieuses, ils ont un excellent état d’esprit, ils charrient à fond et l’ensemble de leur set est dans une harmonie de décontraction et de décibel.

Le début du set des Corses débute avec « Nous sommes No Futal, et nous jouons comme on baise, vite et mal ! »

No Futal remet du fun à défaut de leur froc !




Une anecdote sympa et qui démontre l’état d’esprit des deux groupes, ils ont tiré au sort pour savoir qui allait ouvrir en premier pour l’autre. Si chacun s’est démarqué à hauteur de sa musique, en ce qui concerne les valeurs, les deux groupes sont similaires, donc Ex-aequo, comme à l’école des fans.

Chaque groupe qui lira ce report de concert sourira à cet état de fait, sur la route tous les jours il y a des personnes qui ont posées des semaines de congés pour réaliser des tournées, bouffent des kilomètres, des sandwichs triangle, des bouts de canapé, traversent des frontières, des fleuves et des mers pour faire entendre leur vision sonique de leur art…Et autour il y a tout un ensemble d’autres personnes qui s’agitent pour que cela puissent se faire (association, bar, technicien.nes, etc…), le relaie (photo, report, ITW, etc..) et tout ceci forme un microcosme pour en fonder l’existence.

C’est naïf de l’écrire mais finalement, comme cela tombe dans l’oubli il faut répéter le fond et la forme pour lancer l’action.

Retrouvez toutes les photos de Junk de cette soirée !

Merci à Enlòc, NoFutal, Pollux asso, Xtremfamily, Lolocomix & flo, Le B.A.R, et au public pour cette soirée.


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